Non, les rapports d’inspection ne sont pas toujours destinés
à être oubliés sur une étagère. Prenez le rapport
de l’inspection générale de l’Éducation nationale présenté par Jean-Pierre Obin en juin 2004. Son
titre, « Les signes et manifestations d’appartenance
religieuse dans les établissements scolaires », dit assez qu’il
reste d’actualité en 2015.
Ses
auteurs* étaient parfaitement conscients de l’importance de leurs constats. Les
comportements notés à l’école n’étaient selon eux « que la partie
scolairement visible d’un phénomène bien plus profond, dont l’évolution
constitue vraisemblablement l’une des clés de notre avenir ». Une des
clés de notre avenir… Pas une mince affaire, donc.
Qu’avaient-ils
donc découvert ? De leurs visites à des « établissements scolaires
implantés dans les quartiers où sont concentrées des populations issues de
l’immigration maghrébine, parfois turque, africaine ou comorienne, quartiers de
plus en plus homogènes sur le plan social et religieux », ils avaient
conclu que des « évolutions inquiétantes » étaient en
cours : massivement, des jeunes « de la seconde ou troisième
génération » trouvaient dans l’islam une « identité de
substitution » et rejoignaient des « groupes ouvertement
ségrégationnistes et qui dénoncent l’intégration comme une apostasie ou une
oppression » visant à « rassembler ces populations sur le plan
politique en les dissociant de la nation française et en les agrégeant à une
vaste « nation musulmane ».
Ce
n’était pas rien ! Où cela pouvait-il mener ? À l’engagement dans des
milices islamiques lors de conflits à l’étranger ? À des assassinats de
journalistes coupables de blasphème envers l’islam ? Sait-on jamais… En
tout cas, on ne pouvait qu’adhérer : ce qui se passait alors dans les
établissements scolaires était « la clé de notre avenir ».
Heureusement, il était possible d’y faire quelque chose puisque « certains
établissements, objectivement parmi les plus exposés, ont su traiter avec une
remarquable efficacité les tentatives dont ils ont été l’objet ».
Le
rapport aura onze ans dans quelques jours. Qu’a fait notre génération de ce cri
d’alarme ? Pas grand chose. Nous laissons ce soin à nos enfants. Qui
devront aussi surveiller du coin de l’œil les dizaines de milliers d’élèves que
nous avons laissés se radicaliser. Ou même subir les conséquences de leurs
actes.
___________________
* Dix inspecteurs généraux de l’Éducation nationale,
pour la plupart baby-boomers : outre Jean-Pierre Obin, Nicole Baldet,
Jean-Yves Cerfontaine, Jean-Paul Delahaye, Jean-Marie Jutant, Claude Lambert,
Gérard Mamou, Gérard Pourchet, Claude Roiron et Martine Storti. Aucun n’était
suspect de sympathies pour le Front national. Au moins sept d’entre eux ont
même appartenu au cabinet de ministres socialistes comme Jacques Lang ou
Vincent Peillon ; Nicole Baldet a été secrétaire de Lionel Jospin et
Claude Roiron secrétaire nationale du Parti socialiste.
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