samedi 5 septembre 2015

Les illusions du baby-boom se noient avec Aylan

« La photo du petit Aylan déclenche une prise de conscience européenne », lit-on ces jours-ci dans toute la presse. Quelle horreur : c’est la photo qui déclenche les consciences, pas Aylan lui-même ! Et quelle hypocrisie : des Aylan, il y en a déjà eu des milliers en Méditerranée depuis deux ans. Pourquoi les photos de la grande Aïcha, du gros Bechir ou du vieil Anouar n’ont-elles rien déclenché du tout ? Qu’est-ce qui justifie cette inégalité entre les victimes ? Rien. Et d’ailleurs, ce n’est même pas une inégalité entre les victimes, c’est une inégalité entre les photos !

Et puis une prise de conscience de quoi ? Du fait qu’il est dangereux d’emmener ses enfants sur un petit bateau surchargé sans leur faire enfiler un gilet de sauvetage ? Du laxisme des gardes-côtes turcs qui laissent des foules s’embarquer en toute insécurité sur des barcasses ? De la nécessité d’organiser des ponts aériens un peu partout pour amener à Paris sans risque tous ceux qui veulent s’y installer ? Car si Aylan venait d’une zone de guerre, bien d’autres enfants migrants viennent simplement de zones pauvres. En quoi leur noyade serait-elle moins tragique que celle d’Aylan ?

Le vrai danger pour les migrants est le mirage que nous leur avons présenté depuis des dizaines d’années. Sans cet eldorado imaginaire (on regarde mais on touche pas : la générosité ne s'use que si l'on s'en sert), il n’y aurait pas de petit Aylan. Nous agitons les bras, désolés, devant un spectacle tragique auquel nous ne savons que faire. C’est que nous tentons de comprendre le monde d’aujourd’hui avec nos valeurs, nos préjugés et nos illusions de vieux baby-boomers. Nous sommes directement coupables des maux que nous léguons à nos enfants, mais nous sommes aussi, indirectement, un peu complices des abominations infligées aux enfants migrants.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire